Suspension de Lamine Guirassy : une décision lourde de conséquences dans un climat médiatique sous tension

Conakry, 11 juin 2025 – La Haute Autorité de la Communication (HAC) a frappé fort ce mercredi en décidant d’interdire à Lamine Guirassy, PDG du groupe Hadafo Médias, l’exercice du métier de journaliste en République de Guinée, et ce jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure exceptionnelle intervient quelques semaines après la fermeture administrative de trois médias affiliés à son groupe, accentuant un peu plus le bras de fer entre l’État et les organes de presse indépendants.
Selon la décision rendue publique par l’institution de régulation, le motif avancé repose sur la diffusion de fausses nouvelles, notamment via le réseau social X (anciennement Twitter), où Lamine Guirassy aurait relayé une alerte à un séisme fictif survenu à Conakry.
« Alerte séisme à Conakry. Un tremblement de terre de magnitude 7 vient de frapper la zone de Petit Simbaya à l’instant T », écrivait-il dans un post devenu viral quelques minutes seulement après sa publication.

Une alerte démentie par toutes les sources spécialisées
Pourtant, selon les bases de données internationales comme Earthquake Track, VolcanoDiscovery ou encore Earthquake List, aucune activité sismique supérieure à magnitude 1,5 n’a été enregistrée à Conakry depuis plus d’un an. L’Institut National de la Recherche Géologique et Minière (INRGM) n’a, lui non plus, confirmé aucun événement de ce type à la date mentionnée.
Des plateformes spécialisées, comme l’USGS aux États-Unis ou le Réseau Sismologique Africain, n’ont signalé aucune anomalie. Ce qui pousse les experts à conclure sans ambiguïté à une fausse alerte sans fondement scientifique.
Une erreur ou une manipulation ?
La publication de cette information erronée, accompagnée de consignes de sécurité non officielles, a été perçue par les autorités comme une menace pour la sécurité publique, susceptible de provoquer panique et désordre dans les zones urbaines densément peuplées comme Petit Simbaya.
Mais dans les milieux professionnels, une question revient avec insistance : comment un journaliste chevronné, fort de plus de 20 ans d’expérience, à la tête de l’un des plus grands groupes médiatiques du pays, a-t-il pu relayer une information aussi grave sans vérification préalable ?
Selon certains confrères, la source de cette information reste inconnue, ce qui alimente les soupçons de manipulation ou de piège tendu à un homme devenu, ces dernières années, une voix influente et parfois critique du pouvoir.
Une sanction dans un contexte tendu
La décision de la HAC, bien que conforme à ses prérogatives, intervient dans un contexte où les relations entre les médias indépendants et les autorités sont particulièrement crispées. Plusieurs organisations nationales et internationales de défense de la liberté de la presse ont déjà exprimé leurs préoccupations sur la multiplication des suspensions, interdictions et pressions sur les professionnels des médias en Guinée.
Si la gravité d’une fausse alerte sismique n’est pas à minimiser, l’ampleur de la sanction soulève des interrogations. Était-ce une négligence isolée, une précipitation malheureuse, ou le résultat d’une source délibérément erronée ? Et surtout, qui était derrière cette source ? Aucun élément ne permet pour l’instant de répondre à ces questions.


Vers une nouvelle phase de confrontation ?
En attendant, Lamine Guirassy se retrouve écarté du paysage médiatique, du moins temporairement. La décision de la HAC n’inclut pas de durée précise, laissant planer une incertitude lourde de conséquences sur l’avenir professionnel de l’homme de médias.
Du côté des soutiens de la presse indépendante, certains y voient une tentative de musellement, tandis que d’autres appellent à la prudence et au renforcement des mécanismes de vérification de l’information, surtout dans un contexte national fragile.
L’affaire Guirassy, bien plus qu’un simple incident numérique, met en lumière les tensions profondes entre autorité de régulation, médias indépendants et climat politique guinéen. Reste à savoir si cette suspension marquera un tournant dans la relation déjà fracturée entre l’État et la presse libre — ou si elle constitue le symptôme d’un malaise plus profond à venir.