La candidature du président Mamadi Doumbouya : le Premier ministre Amadou Oury Bah s’exprime sur une éventuelle participation à la présidentielle

L
a scène politique guinéenne continue de susciter des débats intenses autour de la transition en cours, et plus particulièrement sur l’éventualité d’une candidature du président de la transition, le Colonel Mamadi Doumbouya, à la prochaine élection présidentielle. Après des prises de positions notables du Général Amara Camara et du ministre Ousmane Gaoual Diallo, c’est désormais au tour du Premier ministre Amadou Oury Bah de se prononcer sur cette question délicate.
Lors d’une interview accordée à Radio France Internationale (RFI), en marge de la 7ème Assemblée générale des Nations unies à New York, le Premier ministre a répondu à la question brûlante concernant une possible candidature du Colonel Doumbouya. La réponse d’Amadou Oury Bah a été claire : « Pourquoi pas ? Parce que c’est la liberté de chaque citoyen en capacité d’incarner une certaine vision de la Guinée d’aujourd’hui et de demain, d’être candidat ou d’être candidate. »
Ce propos, bien que formulé de manière prudente, vient alimenter le débat sur l’avenir politique du président de la transition et sur la manière dont la Guinée pourrait aborder le retour à l’ordre constitutionnel. Bah Oury, ancien opposant politique devenu chef du gouvernement de la transition, a ainsi pris soin de souligner que la décision d’une candidature ne devrait en aucun cas être considérée comme un fait établi, mais bien comme une possibilité, dès lors qu’un citoyen remplit les conditions légales.

Constitution et charte de la transition : des documents en tension ?
L’un des principaux points de friction dans cette discussion réside dans l’apparente contradiction entre la charte de la transition, actuellement en vigueur, et la future constitution en cours d’élaboration. Certains observateurs politiques estiment que la charte de la transition exclurait de facto le président Doumbouya ainsi que les principaux responsables de la transition d’une candidature à la prochaine présidentielle. Sur cette question, le Premier ministre a offert une lecture très pragmatique. Il a rappelé que la constitution, une fois adoptée, primera sur tous les autres textes, y compris la charte de la transition : « D’abord, ce qui est essentiel, c’est la constitution. Elle doit être au-dessus de toutes considérations personnelles. Deuxièmement, à partir du moment où la constitution sera adoptée, la charte n’aura aucune actualité. Tout homme ou toute femme remplissant les critères qui seront dans la constitution, pourra faire acte de candidature. »

Le message de Bah Oury est sans ambiguïté : la constitution guinéenne en gestation, et non la charte transitoire, doit être la boussole des processus politiques à venir. En d’autres termes, le document fondamental de la République une fois en vigueur, permettra à toute personne, y compris les membres actuels de la transition, de se présenter, pourvu qu’ils satisfassent aux exigences constitutionnelles.
Une personnalisation excessive du débat politique guinéen
Un autre élément central du discours du Premier ministre est son appel à éviter une personnalisation excessive du débat politique, un travers qu’il reproche souvent à la société guinéenne. Selon lui, le risque est grand de se focaliser sur des figures individuelles au lieu de s’intéresser à l’essence des institutions et aux textes qui doivent régir la République.
« En Guinée, on a tendance à tout personnaliser et laisser l’essentiel de côté », a-t-il déploré. À son avis, la priorité doit être accordée au renforcement des bases institutionnelles du pays et à l’adoption d’une constitution solide et inclusive. « Ce qui est essentiel dans le contexte actuel, c’est partager les textes, voir les aspects les plus essentiels, pour instaurer une culture démocratique », a-t-il ajouté.
Par cette déclaration, Bah Oury met en avant l’idée que le véritable enjeu pour la Guinée ne réside pas dans la personne qui dirigera la transition ou même dans une candidature éventuelle de Doumbouya, mais plutôt dans la qualité des institutions qui seront mises en place pour garantir un avenir démocratique durable.
Conclusion : une équation politique complexe
Alors que la transition guinéenne entre dans une phase cruciale, les spéculations autour de l’avenir politique du Colonel Mamadi Doumbouya, ainsi que les discussions sur le respect des normes constitutionnelles, restent au cœur des débats. Les propos du Premier ministre Amadou Oury Bah, s’inscrivant dans une logique de respect des institutions et de la liberté démocratique, ajoutent une voix de plus à la complexité de la situation.
Toutefois, il devient de plus en plus évident que le débat ne pourra être tranché qu’avec l’adoption de la nouvelle constitution, qui devrait définir de manière claire les règles du jeu politique en Guinée, y compris la possibilité ou non pour les membres de la transition de se présenter à la future présidentielle. En attendant, la classe politique guinéenne et la population restent suspendues aux décisions à venir, alors que la transition se poursuit sous l’œil attentif des partenaires internationaux.
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