Guinée : La grâce accordée à Dadis Camara sous le feu des critiques internationales

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onakry, 2 avril 2025 — Moins d’une semaine après sa libération, le capitaine Moussa Dadis Camara, ancien président de la transition en Guinée, fait de nouveau face à une pression croissante, cette fois venue de la scène internationale. Gracié dans la nuit du 29 au 30 mars 2025 pour des raisons de santé évoquées par ses proches et le gouvernement, sa remise en liberté ne passe pas auprès des organisations de défense des droits de l’Homme, qui dénoncent une décision « injustifiable » et « contraire aux principes fondamentaux de justice ».

L’Organisation des Nations Unies, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH) montent au créneau. Dans un communiqué publié mardi 1er avril, Seif Magango, porte-parole du Bureau des droits de l’Homme de l’ONU, a exprimé une vive inquiétude quant à la portée et aux conséquences de cette grâce présidentielle.

« La décision d’accorder une grâce présidentielle à M. Camara soulève de sérieuses préoccupations quant au respect, par les autorités de transition, du droit à un procès équitable et de l’état de droit. Elle méconnaît également le droit des victimes à des recours effectifs. »

Une atteinte au droit des victimes ?

Moussa Dadis Camara, condamné en juillet 2024 à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité, notamment en lien avec le massacre du 28 septembre 2009, n’avait purgé qu’une partie de sa peine avant de bénéficier de cette mesure de clémence. Pour les défenseurs des droits humains, cette libération bafoue la mémoire des victimes et compromet dangereusement le processus judiciaire enclenché depuis des années.

« Cette grâce sape les procédures judiciaires nationales et contrevient aux principes internationaux des droits de l’homme, qui insistent sur le droit des victimes à obtenir justice et sur l’obligation des États de lutter contre l’impunité », a poursuivi Magango dans des propos relayés par TV5 Monde.

Une grâce sous haute tension

Le décret présidentiel, signé par le général Mamadi Doumbouya sur proposition du ministre de la Justice, avait suscité une vague de réactions mitigées dans le pays. Si certains y voyaient un geste d’apaisement dans un contexte de transition fragile, d’autres y ont perçu un acte politique calculé, susceptible de raviver les tensions et de remettre en cause la crédibilité des institutions judiciaires guinéennes.

Pour les organisations internationales, la symbolique est forte : gracier un condamné pour crimes contre l’humanité sans véritable transparence ni consensus revient à affaiblir l’État de droit, à un moment où la Guinée est censée s’engager sur la voie de la justice transitionnelle et de la réconciliation nationale.

Vers une remise en cause de la grâce ?

Si l’appel à l’annulation de la grâce reste pour l’instant sans réponse officielle, la pression monte. La communauté internationale — déjà très attentive au processus de retour à l’ordre constitutionnel annoncé pour 2025 — pourrait durcir le ton, notamment à travers des partenaires bilatéraux et institutionnels de la Guinée.

La FIDH, de son côté, envisage déjà des actions de plaidoyer auprès de l’Union africaine et de la Cour africaine des droits de l’Homme, pour exiger que la justice reprenne son cours et que la décision présidentielle soit révisée, voire annulée.

Un climat judiciaire sous tension

La situation remet en lumière les fragilités du système judiciaire guinéen, confronté à des pressions politiques et sociales permanentes. Elle soulève également des questions plus larges : Quel est le poids réel des décisions de justice face aux prérogatives de l’exécutif ? Les victimes peuvent-elles encore espérer réparation ?

Pour l’heure, Dadis Camara reste libre, mais l’étau judiciaire et diplomatique semble se resserrer autour de lui. Sa grâce présidentielle, au lieu de clore un chapitre, pourrait bien en ouvrir un nouveau, plus explosif encore, dans un pays toujours en quête de justice et de stabilité.

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